Lutte contre la fraude : des pratiques frauduleuses dans l’industrie du thon détectées par l’AFSCA
Fin 2020, l’AFSCA a mené une action spéciale sur le thon dont l’objectif était de détecter l’utilisation (et leur fréquence) de techniques de fraude qui visent à cacher la dégradation du produit en le faisant passer pour un produit plus frais.Pour la première fois, l’AFSCA a mis au jour l’utilisation de traitements au monoxyde de carbone, une technique de fumage du thon interdite en Europe. Les tentatives de fraude sont constantes et les techniques évoluent : l’AFSCA traduit les résultats de cette enquête en 5 actions concrètes.
Avec la mode des sushis et autres sashimis, la consommation de thon frais s’est largement répandue ces dernières années. Une tendance alimentaire qui semble être une source d’inspiration pour les fraudeurs, qui n’hésitent pas à mettre la santé des consommateurs en danger afin de faire des profits.
Ici, la fraude vise à donner une couleur rouge au thon pour le faire paraitre frais plus longtemps et masquer la dégradation du produit qui, malgré l’utilisation de ces procédés, n’est pas ralentie. Le consommateur, trompé, risque quant à lui l’intoxication alimentaire.
Action spéciale « thon 2020 » : capter les signaux de fraude
L’objectif de cette action était d’effectuer un coup de sonde pour obtenir un aperçu des différentes techniques de fraude utilisées dans le thon : ajout de colorants, de nitrites ou nitrates, fumage au monoxyde de carbone, … et de mieux orienter, si nécessaire, les contrôles sur le terrain.
Cette action spéciale s’inscrit dans la continuité d’autres actions déjà mises en place par l’AFSCA (contrôles de routine dans le cadre du plan de contrôle, actions spéciales) ou coordonnées au niveau européen. Par exemple, les opérations OPSON et en particulier OPSON VII (décembre 2017-mars 2018) au cours de laquelle 51 tonnes de thon avaient été saisis à travers l’Europe.
Cette action spéciale « thon 2020 » était dirigée par l’Unité Nationale d’Enquête (UNE) de l’AFSCA, avec la participation de contrôleurs de chaque antenne locale (ULC) de l’AFSCA.
Résultats de l’action spéciale « thon 2020 »
Entre les mois de septembre et de décembre 2020, l’AFSCA a prélevé 45 échantillons partout en Belgique, auprès de détaillants (thon frais et surgelé) et de grossistes (thon surgelé). Un produit pouvant être analysé pour différents paramètres, 92 analyses ont été effectuées dans le cadre de cette action.
Cette action spéciale a permis de mettre en évidence deux types de pratiques illégales et a mené à la saisie de 79,244 tonnes de thon. 92% des produits non conformes sont des produits importés d’Asie.
Même si d’autres pays européens ont déjà, par le passé, mis la main sur du thon illégalement traité au monoxyde de carbone, c’est la première fois que l’AFSCA met en évidence l’utilisation d’un tel procédé : 35,138 tonnes ont été mises sous saisie. En 2019, les 17 échantillons analysés étaient tous conformes.
Pour chaque lot non conforme, des mesures ont été prises : destruction ou réexportation des lots incriminés, communication avec réseau de lutte contre la fraude alimentaire de la Commission européenne (AAC-Food Fraud Network).
Paramètre concentration en Histamine et via ABVT – azote basique volatil total
- 15 échantillons (tous conformes)
- La concentration en Histamine et ABVT indiquent la fraicheur du produit
Paramètre nitrates/nitrites
- 25 échantillons (13 conformes /12 non conformes (NC))
- Procédé utilisé : injection avec des aiguilles
- L’utilisation de ces substances est strictement interdite pour le poisson car, en préservant la couleur de la chair, elle masque sa dégradation naturelle au cours du temps
- Procédé interdit au sein de l’Union européenne
Paramètre acide ascorbique
- 29 échantillons (13 conformes et 16 NC)
- Effet anti-oxydant (permet de freiner l’oxydation naturelle)
- Procédé généralement couplé avec l’ajout de nitrites/nitrates, action de camouflage de celle-ci
- La législation européenne fixe une limite pour cet additif (E300) dans le poisson (max 300 mg/kg).
Paramètre colorants solubles dans l’eau (amarante)
- 16 échantillons (tous conformes)
- Utilisation de colorant pour donner une couleur vive au thon (qui, naturellement, brunit rapidement)
- Procédé interdit au sein de l’Union européenne
Monoxyde de carbone (CO)
- 6 échantillons (1 conforme / 5 NC)
- Technique du tasteless smoke (fumée sans goût et sans odeur) qui donne au thon tranché une couleur rouge, brillante, relativement stable dans le temps.
- Si le fumage du poisson (procédé qui permet de donner un autre caractère sensoriel au poisson) est autorité et réglementé, ce procédé tasteless smoke est interdit en Europe.
Thon surgelé : n'ayant pas fait l'objet d'un traitement (gauche), ayant fait l'objet d'un traitement illégal (droite)
Formation d’histamine et risques pour le consommateur
En injectant des nitrites ou des nitrates, du colorant, en utilisant du monxyde de carbone pour fumer le produit, on masque son état d’oxydation, le poisson préserve sa chair de couleur rouge (qui, normalement, brunit naturellement) et un aspect de fraicheur, en apparence seulement : ces subterfuges n’empêchent pas la dégradation du produit et le consommateur risque l’intoxication alimentaire.
La formation d’histamine dans le poisson apparait au cours du processus de dégradation des muscles, lorsque les bactéries transforment en histamine l’histidine, un acide aminé naturellement présent dans le poisson. Certaines espèces, comme le thon, contiennent beaucoup d’histidine et comportent donc un plus grand risque de formation de teneurs élevées en histamine, surtout lorsqu’elles sont manipulées ou stockées dans de mauvaises conditions (par exemple conservation à trop haute température ou mauvaises conditions de surgélation du poisson frais). La consommation de poisson ayant des teneurs élevées en histamine peut provoquer des réactions très désagréables (apparition de plaques rouges, démangeaisons, bouffées de chaleur, sensation de brûlure dans la gorge, palpitations cardiaques…) chez les sujets sensibles, pouvant aller jusqu’au choc anaphylactique. La consommation d’aliments chargés en histamine présente donc un risque grave pour la santé. L’histamine n’est pas détruite par la cuisson du poisson.
Traduction des résultats en 5 actions concrètes pour l’AFSCA
Face à ces résultats interpellants, l’AFSCA s’engage à poursuivre son action de lutte contre la fraude dans le thon autour de 5 actions concrètes :
- Inclure le monoxyde de carbone dans les contrôles de routine de l’AFSCA (plan de contrôle 2021)
- Contrôler davantage les importations de thon en provenance de pays tiers (notamment sur les produits avec la mention « légèrement fumé » sur l’étiquette)
- Conscientiser le consommateur : inviter le consommateur à examiner avec prudence less offres trop alléchantes. De plus, une couleur trop vive n'est pas nécessairement une indication de fraîcheur. Le consommateur ne doit pas hésiter à interpeller l’AFSCA (via le point de contact) s’il a des raisons de penser qu’un produit ne lui paraît pas sûr. Chaque question ou plainte est attentivement analysée par des experts.
- Rester en alerte et capter les signaux de fraude : les tentatives de fraude sont constantes et les techniques évoluent. L’AFSCA et ses contrôleurs sur le terrain s’engagent à rester attentifs et à sans cesse mettre à jour leurs connaissances.
- Communiquer en réseau : continuer à échanger avec les autres Etats membres via le réseau de lutte contre la fraude alimentaire de la Commission européenne (AAC-Food Fraud Network) - dans lequel l’AFSCA joue un rôle de pionnier - participer aux actions internationales de lutte contre la fraude, etc. Les fraudeurs ne s’arrêtent pas aux frontières.
David Clarinval, ministre fédéral de l’Agriculture :
« Cette action spéciale illustre une nouvelle fois les efforts particuliers déployés par l’AFSCA pour lutter contre tous les types de fraude, afin de mieux protéger les consommateurs, mais aussi la santé animale et végétale. Cette protection passe par les centaines d’inspections de routine effectuées chaque jour, et par les contrôles sur les produits importés. En 2020, l’Unité Nationale d’Enquête (UNE) de l’AFSCA a pris en charge près de 800 dossiers liés à la fraude. Toutes ces actions convergent vers un seul but : protéger la santé des consommateurs ».